TRANSCRIPTIONS MARIAGES, MARIAGES, CCM, ENQUETES..CONJOINT DE FRANCAIS...
RAPPORT OFFICIEL de LA CIMADE...
Les conjoints de Français dans la ligne de mire
Dans leurs relations avec les consulats français, les conjoints de ressortissants français se heurtent à des obstacles extrêmement importants, que ce soit lors de la célébration de leur mariage à l’étranger (devant les autorités françaises ou locales), de la transcription de ce mariage, de l’obtention d’un visa en tant que conjoint de français une fois le mariage célébré ou d’un visa en vue de se marier en France. Tout au long des démarches, des vérifications parfois abusives sont opérées, relatives soit aux documents d’état civil soit à la sincérité du mariage, ralentissant d’autant la réunion des familles. Pourtant, les conjoints de Français devraient bénéficier d’un traitement privilégié car, du fait de leurs attaches familiales, la loi prévoit pour eux des conditions plus avantageuses que pour les autres demandeurs de visa ainsi que des garanties de procédure spécifiques. En théorie, ils sont les seuls à posséder un droit à l’obtention d’un visa puisque la loi fixe de manière limitative les motifs de rejet des demandes de visa « conjoint de Français », ce qui n’est pas le cas pour les autres demandeurs. Ils sont aussi les seuls pour lesquels la loi prévoit que les consulats sont tenus de statuer sur la demande de visa « dans les meilleurs délais ». Enfin, sous certaines conditions, la loi leur offre la possibilité de déposer leur demande de visa non pas dans leur pays d’origine mais en France auprès de la préfecture, possibilité qui n’est pas offerte aux autres demandeurs. Ces avantages devraient permettre aux conjoints de Français de rejoindre la France relativement facilement pour y mener leur vie familiale.
Dans la pratique, tout est fait au contraire pour dissuader, empêcher ou ralentir l’arrivée en France des conjoints de Français. Ils sont en effet victimes d’une suspicion très importante de la part de l’administration française, qui voit en chacun d’eux un fraudeur potentiel, et derrière chaque union un mariage de complaisance.
Dans un rapport d’avril 2008, le mouvement des Amoureux au ban public dressait un état des lieux des obstacles récurrents rencontrés par les couples. Concernant les pratiques consulaires, il relevait les dysfonctionnements suivants :
LES DIFFICULTÉS POUR SE MARIER
La délivrance d’un visa à un étranger pour lui permettre de se marier en France avec une personne de nationalité française est aujourd’hui très exceptionnelle. La loi ne prévoit pas l’existence d’un droit au visa en vue d’un mariage, la délivrance de ce document relevant du pouvoir discrétionnaire de l’administration. Dans l’immense majorité des cas, le visa est refusé, souvent de façon implicite car les consulats ne répondent pas aux demandes. Les couples mixtes sont ainsi obligés de se marier à l’étranger et ensuite d’engager de longues démarches pour obtenir la transcription du mariage, puis la délivrance d’un visa, avant de pouvoir vivre leur vie familiale en France.
Lorsqu’il est célébré hors de France, le mariage entre un Français et un étranger doit être précédé de la délivrance d’un certificat de capacité à mariage. La demande est instruite par le consulat de France dans le pays où doit être célébré le mariage et donne lieu à un entretien avec les futurs époux. Lorsque des « indices sérieux » laissent présumer qu’il s’agirait d’un mariage de complaisance, le consulat saisit « sans délai » le procureur de la République de Nantes pour qu’une enquête soit diligentée. Certains couples attendent longtemps la délivrance du certificat de capacité à mariage, le procureur étant parfois saisi plusieurs semaines, voire plusieurs mois après le dépôt de la demande au consulat. La saisine du procureur peut en outre intervenir alors même que la sincérité du mariage
projeté est attestée.
Une fois le mariage célébré à l’étranger, les époux doivent en obtenir la transcription auprès de l’état civil français. Cette démarche est nécessaire pour que l’étranger obtienne, ensuite, la délivrance d’un visa lui permettant de rejoindre son conjoint en France. De nouveaux dysfonctionnements apparaissent à ce stade de la procédure. La plupart des couples mixtes dont nous avons recueilli le témoignage dénoncent les conditions d’accueil dans les consulats et des entretiens traumatisants et irrespectueux : questions déstabilisantes, remarques blessantes, intrusion de l’administration dans les sentiments et la vie privée, comptes-rendus d’entretiens déformant les réponses fournies, etc… Le second grief tient à la durée d’attente anormalement longue pour obtenir la transcription du mariage et la délivrance du livret de famille. On constate enfin que certains consulats saisissent quasi systématiquement le procureur de la République de Nantes pour faire procéder à une nouvelle enquête sur la sincérité du mariage, augmentant une fois encore le délai d’attente .
LE VISA DE LONG SÉJOUR : UN DROIT TOUT RELATIF
Pour bénéficier d’un premier titre de séjour en France,
l’étranger marié à un Français doit avoir préalablement
obtenu un visa de long séjour auprès du consulat de
France dans son pays d’origine. Ce visa est un droit
pour le conjoint de Français sauf en cas de « fraude,
d’annulation du mariage ou de menace à l’ordre public ».
En pratique cependant, rejoindre son conjoint en France
s’assimile souvent pour l’étranger à un véritable
parcours du combattant... Selon l’article L. 211-1-2 du
Ceseda, « les autorités diplomatiques et consulaires sont
tenues de statuer sur la demande de visa de long séjour
formée par le conjoint de Français dans les meilleurs
délais. » De nombreux témoignages recueillis montrent
qu’en pratique, l’administration fait souvent une
application particulièrement souple de cette obligation
légale de diligence. De nombreux couples sont ainsi
maintenus séparés pendant de longs mois avant de
pouvoir mener une vie familiale normale, pour certains,
après avoir déjà attendu longtemps la transcription de
leur mariage.
En l’absence de réponse à la demande de visa pendant
plus de deux mois, cette demande peut être regardée
comme ayant été rejetée implicitement. Il faut alors
saisir la commission de recours contre les refus de visa
puis le Conseil d’Etat d’un « référé suspension ». Pour la
majorité des couples qui ont engagé cette procédure, le
visa a été délivré quelques jours avant l’audience du
Conseil d’État, certainement afin d’éviter à l’administration une condamnation par la justice. Preuve également
que le refus relevait plus d’une volonté de faire durer la
procédure et de décourager les couples que d’une
véritable nécessité juridique.
La durée de traitement des demandes de visa s’explique
notamment par le fait que les consulats font très
souvent procéder à une enquête sur la sincérité du
mariage, même lorsque les couples sont en mesure
de produire de très nombreuses preuves de la réalité
de leur relation. Ces enquêtes, qui sont menées en
France auprès du conjoint français par les services de
police, prennent généralement beaucoup de temps, aux
dépens des conjoints de Français qui doivent attendre
plusieurs mois que leur demande de visa reçoive une
réponse.
L’article L. 211–2 1 du Ceseda prévoit que le visa long
séjour ne peut être refusé aux conjoints de Français
qu’en cas de « fraude, d’annulation du mariage ou de
menace à l’ordre public ». Or le visa est parfois refusé
pour des raisons non prévues par la loi, entre autres au
motif que le couple n’a qu’à poursuivre sa vie familiale
à l’étranger.
En application de l’article L. 211–2 du Ceseda, les refus
de visa opposés aux conjoints de Français doivent être
motivés, c’est à dire expliciter les raisons du refus. Le
grand nombre de refus implicites dont nous avons eu
connaissance montre que l’administration ne prête pas
toujours attention à cette obligation légale. D’autre
part, lorsque la motivation existe, elle peut être très
succincte, notamment lorsque les consulats se contentent de mettre en doute la sincérité du mariage, sans
préciser les faits qui leur permettent de porter une telle
appréciation. Accusés de mariage blanc, les couples ne
savent donc pas sur quoi se fonde une telle accusation.
Dans certains cas, un conjoint de Français vivant irrégulièrement en France peut déposer sa demande de visa
auprès de la préfecture de son lieu de résidence, qui
transmettra cette demande au consulat de France de son
pays d’origine. Or de nombreux couples nous ont signalé
que leur dossier n’était pas arrivé au consulat, ou qu’il
avait été envoyé avec beaucoup de retard. Même si elles
savent que les consulats prennent beaucoup de temps
pour traiter les demandes de visa, surtout lorsqu’elles
viennent de France, certaines préfectures appliquent
strictement le principe selon lequel une non réponse
pendant plus de deux mois équivaut à un rejet implicite
de la demande de visa. L’étranger, qui retombe dans
l’illégalité, se trouve dans une impasse : rester en France
et ne pas pouvoir obtenir de titre de séjour puisqu’il ne
possède pas de visa, ou rentrer dans son pays d’origine
et y rester, puisque sa demande de visa est censée avoir
été rejetée implicitement.
Selon la loi, les conjoints de Français doivent bénéficier
de conditions plus avantageuses pour obtenir un visa.
Ce sont même les seuls qui puissent faire valoir un droit
à visa. Cependant, là encore dans la pratique, tout est
fait pour les décourager : enquêtes sans fin sur la
sincérité du mariage, retards récurrents dans le traitement des demandes de visa qui aboutissent parfois au
bout de deux mois à un refus implicite, sans justification de ce refus. Dans l’attente de ce visa auquel ils ont
droit, les étrangers conjoints de Français se retrouvent
donc souvent bloqués, soit dans leur pays d’origine loin
de leur conjoint, soit en France, en situation irrégulière.
UN BUT AVOUÉ : RÉDUIRE L’IMMIGRATION FAMILIALE
Moins complet, moins long et d’une efficacité relative, ce dispositif semble donc très accessoire. Mais son inutilité n’est pas son plus grave défaut. En instituant des obstacles supplémentaires à la réunion des familles, il impose à ces dernières des délais de séparation aux conséquences préjudiciables et disproportionnées par rapport aux buts poursuivis. La baisse de l’immigration familiale apparaît alors comme un but en soi, le ministère de l’immigration ayant lui-même présenté cette mesure comme ayant un double objectif : une meilleure intégration des migrants mais aussi la réduction de l’immigration familiale. Lors de la présentation du projet de loi à l’Assemblée nationale le 18 septembre 2007, Brice Hortefeux déclarait : « C’est un texte simple, lisible, court et concret. Il s’agit de réduire la part prépondérante de l’immigration familiale et de renforcer le parcours d’intégration en France des candidats au regroupement familial. Première mesure, les personnes souhaitant rejoindre la France dans le cadre du regroupement familial, tout comme les conjoints étrangers de Français, seront désormais soumis, dans leur pays de résidence, à une évaluation de leur degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République ».
De plus, l’accessibilité à l’évaluation et à la formation n’est pas assurée pour tous. D’une part parce que les coûts de transports et d’hébergement peuvent exclure les personnes dont les ressources sont faibles et, d’autre part, parce que le maillage territorial est insuffisant et peut nécessiter de longs déplacements. L’impossibilité de suivre une formation dans le paysd’origine en raison du coût et/ou des distances entraînera ainsi des refus de délivrance de visa. Mais il est illusoire de penser que les personnes accepteront une séparation familiale… Elles tenteront quand même de venir en France, sans passer par la procédure de regroupement familial, et viendront grossir les rangs des sans papiers, exclus des dispositifs d’insertion.
L’apprentissage du français dès le pays d’origine peut donc apparaître de prime abord comme une mesure favorisant l’intégration des familles, mais ce dispositif pourrait au contraire avoir pour conséquence d’exclure un nombre important de migrants. Et si ces derniers deviennent des sans papiers, leurs chances d’intégration se trouveront automatiquement compromises.